Les utilities en 2022 : bientôt data-driven, secure et carbone neutre ?

La multiplication des cyberattaques, la crise énergétique, les exigences du green deal et du plan REPowerEU, l’évolution de l’environnement concurrentiel ne sont que quelques défis auxquels font face les utilities aujourd’hui.

Les technologies émergentes semblent pouvoir apporter des solutions viables et le secteur s’attèle à s’emparer de leur fort potentiel. Les principales entreprises du secteur, comme EDF, ENGIE, TotalEnergies, Veolia, Suez, sont déjà en plein chantier « digitalisation ». Les principales initiatives sont liées à la transition énergétique, la cybersécurité, l’efficacité opérationnelle et l’expérience client. La data est au cœur de tous ces sujets.

La transition énergétique repose sur l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique mais aussi sur la sobriété énergétique, c’est-à-dire la réduction des consommations énergétiques grâce aux changements de comportement et de mode de vie des organisations et des ménages. L’intégration massive des énergies renouvelables signifie le passage d’un mode actuel centralisé de la production d’énergie à un mode décentralisé. Cela rend la gestion du réseau de transport et de distribution beaucoup plus complexe. Il faut donc adapter le pilotage du réseau au caractère intermittent de certaines énergies renouvelables. Cela nécessite entre autres une fine connaissance sur les profils de consommation d’électricité rendue possible grâce à la multiplication des objets connectés générant un nombre considérable de données.

Le développement de technologies innovantes (IA, IoT, digital twins, blockchain, etc.) pour moderniser et optimiser toute la chaine d’approvisionnement afin d’améliorer les performances du réseau est au top des agendas des utilities. Le but est de tirer le meilleur de l'orchestration en temps réel et de l’analytique avancé pour assurer une gestion multidirectionnelle de ressources sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Certains projets innovants en sont encore au stade de PoC, tandis que d’autres sont déjà industrialisés. La plupart de ces projets sont menés en étroite collaboration avec un écosystème de partenaires (hyperscalers, ESN, start-ups…). Les principales entreprises du secteur ont par ailleurs mis en place des centres d’excellences collaboratifs, par exemple des DataLabs, dédiés au développement des cas d’usages et de leur mise à l’échelle.

En même temps, le déploiement massif des smart grids et la digitalisation des interventions, accélérée par la crise de Covid-19, ont rendu les systèmes d’information et opérationnels beaucoup plus ouverts et démultiplié leur exposition à des cyberattaques. Le développement et l’exploitation des réseaux intelligents de manière fiable, résiliente et durable est donc l’un des principaux défis auxquels les utilities sont confrontés aujourd’hui. La sécurisation des IIoT et la convergence entre IT et OT en sont des enjeux majeurs. Considérés comme des infrastructures critiques, les utilities ont plutôt un bon niveau de maturité en matière de cybersécurité. Certains proposent même leurs propres services en matière de cybersécurité industrielle et mènent une politique de recrutement agressive, y compris via des acquisitions.

Les utilities ont beaucoup investi dans la gestion de la relation client au cours des dernières années et cette tendance s'est accélérée pendant la pandémie. La flambée des prix de l’énergie due à la situation géopolitique est à la fois un enjeu et une opportunité pour les fournisseurs d’énergie. EDF a pu profiter, par exemple, du retour de certains clients délaissant leurs fournisseurs alternatifs pour un tarif réglementé. Pour retenir les clients et les accompagner vers une consommation plus durable, les utilities continuent de développer des modèles économiques tels que « Energy-as-a-Service » et une expérience client à 360° grâce à l’analyse avancée des données et aux nouveaux canaux de communication interactifs.

Vu le rôle crucial de la donnée dans la chaîne de valeur, les utilities doivent aussi assurer la mise en place des dispositifs de protection des données. La violation de données, volontaire ou involontaire, peut engendrer des impacts financiers, opérationnels et de réputation considérable. Par ailleurs, avoir l'image d'un fournisseur de confiance est un levier important pour se différencier sur le marché. Toutefois, les utilities ne sont pas tout à fait impeccables sur ce sujet. Il suffit de se rappeler des sanctions de la CNIL en 2020 contre EDF et Engie à cause des non-conformités concernant la collecte des données personnelles des Français par les compteurs connectés Linky ou encore une amende d’un million d’euros récemment essuyé par TotalEnergies pour ne pas avoir respecté les obligations en matière « de prospection commerciale et de droits des personnes ». C’est pour cela que les utilities ont intérêt à investir dans l’accompagnement concernant la gestion des risques et la conformité. L'acculturation des collaborateurs aux données est aussi extrêmement importante afin de sensibiliser chacun à sa responsabilité vis-à-vis des données et à son rôle dans la transformation des données de l’entreprise.

Enfin, pour obtenir un avantage concurrentiel et rationaliser le flux d'informations au sein des entreprises, les utilities continuent la transformation leurs patrimoines applicatifs en s’appuyant sur le cloud, l’automatisation et l’IA. Par ailleurs, de nombreuses entreprises du secteur attendent avec impatience des solutions de cloud souverain pour assurer leur conformité réglementaire et faire face à la situation géopolitique incertaine.

En bref, les utilities tablent sur la transformation digitale, avec un but ambitieux de devenir « data-driven » pour pouvoir être compétitives sur un marché en pleine évolution. Ce pari est ambitieux, vu que de nombreux silos organisationnels et structurels empêchent encore la diffusion et le partage des flux de données et de connaissances nécessaires pour y parvenir. De plus, le marché doit faire face à la conjoncture actuelle très volatile, ce qui peut entrainer des mesures de réduction des coûts ainsi que des changements dans le rapport de forces dans le secteur, y compris à cause de l’intervention de l’État. Par exemple, tandis que TotalEnergies et Engie semblent tirer leur épingle du jeu et enregistrent des revenus records en raison de la flambée des prix de l'énergie, EDF, au contraire, se trouve sous une forte pression économique liée à des problèmes de corrosion de son parc nucléaire et du volume d'électricité que l'État l'oblige à vendre à bas prix.

 

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