Les gros acteurs pure player de l’ingénierie, une espèce en voie de disparition ?
Représentant près de 7,4 Md € en France en 2022, en croissance de +7.6% (Observatoire de Conjoncture S2 2022 PAC pour Numeum), le conseil en technologies (CET) est un marché dynamique, porté par la reprise de ses deux principaux verticaux en 2022 : l’automobile et l’aéronautique. Ainsi, après avoir été le secteur du numérique le plus touché durant la pandémie de COVID, sa dynamique de croissance en 2021 et 2022 a permis au CET de retrouver les volumes du marché de 2019. PAC anticipe un ralentissement de la croissance en 2023 pour l’ensemble du secteur numérique, dont le CET, qui devrait cependant continuer à croître à un rythme de +5.6%, ce qui reste bien supérieur aux prévisions de la majorité des secteurs hors-numérique.
La frontière entre le CET et les services IT est de plus en plus floue car les services informatiques ne cessent de gagner du terrain dans les activités des ICT (sociétés d’Ingénierie et de Conseil en Technologies), porté par la convergence entre l’IT et l’OT. Auparavant, ICT et ESN vivaient en relative autarcie car les marchés des services IT et du CET fonctionnaient en silo, mais depuis que leurs clients ont entamé cette convergence entre l’IT et l’OT, les deux types de fournisseurs se rencontrent de plus en plus souvent. Ainsi, les ICT sont allées sur le terrain traditionnellement réservé aux ESN pour améliorer leur marges opérationnelles et leur croissance, car le secteur des services IT a été plus dynamique avant et résilient durant la crise du COVID. Dans le même temps, l’inverse est vrai également : les ICT sont confrontés à l’intensification de la concurrence des ESN sur les appels d’offres de R&D externalisées. Cela a provoqué un élargissement considérable de la concurrence pour les deux types de sociétés, et la majorité des géants de l’ingénierie tirent dorénavant leur croissance aussi bien de leurs services IT et que de l’ingénierie.
Il n’est donc pas étonnant que fusions et acquisitions soient allées bon train dans ce marché depuis 2020 – les fournisseurs traditionnels de services informatiques se diversifient dans l’ingénierie (par exemple, l’acquisition de CS Group par Sopra Steria, d’Umlaut par Accenture et d’Altran par Capgemini) tandis qu’en parallèle les fournisseurs traditionnels de CET se diversifient dans l’informatique (par exemple, Alten acquérant la division Technological Software Business d’ASM ou encore Metanext racheté par SII début 2023). Il convient de noter qu’il est plus facile de faire de l’IT en tant qu’ICT de manière organique que de faire du CET en tant qu’ESN, ce qui explique pourquoi il y a plus d’activité M&A dans le sens « ESN acquérant une ICT » que dans l’autre. Cette multitude d’acquisitions entraîne une concentration de marché CET entre les grands acteurs, qu’ils soient ICT ou ESN, et réduit le nombre de grands pure-players du CET.
Le marché du CET reflète le marché des services IT avec quelques années de décalage. PAC prévoit ainsi une augmentation de la proportion du forfait dans les contrats signés par les ICT, ce qui souligne le niveau de maturité croissant de l’ensemble du secteur. Dans les entreprises les plus avancées en termes de transition de business model, les contrats en régie représentent désormais moins d’un contrat sur trois, tandis que les retardataires accélèrent tant bien que mal leur transition vers le forfait.
Somme toute, on constate que les ICT s’appuient de plus en plus sur des capacités nearshore et offshore pour répondre à la demande de leurs clients, mais aussi pour augmenter leurs marges d’exploitation, qui risquent d’être mise à mal en 2023.
Du côté des tendances technologiques, les nouveaux paradigmes tels que l’électrification, l’hydrogène et la 5G obligent les entreprises de CET à perfectionner ou à renouveler les compétences de leurs ingénieurs dans un temps limité pour répondre à la demande du marché.
Un bon exemple de cette tendance est le besoin impérieux d’Airbus de réduire les émissions de ses appareils en explorant la piste de l’hydrogène, qui a donné lieu à une série de juteux contrats de R&D externalisée pour les ICT.
Les experts en énergie nucléaire sont également très demandés. En effet, la crise énergétique européenne a donné lieu à un regain d’intérêt considérable pour l’énergie nucléaire et constitue une autre opportunité pour les ICT d’offrir leurs services pour aider les énergéticiens européens à mettre rénover leur parc nucléaire face à l’urgence énergétique.
Enfin, les entreprises d’ingénierie mettent davantage l’accent sur la durabilité et les questions environnementales, ainsi que sur le security-by-design. Mais là aussi, les ICT sont confrontés à un fossé de compétences de ses ingénieurs pour faire face à la demande et répondre aux critères liés à la RSE et à la sécurité dans les appels d’offres.
Nous étudions ces tendances plus en détails dans les documents suivants :