Interview exclusive de Monsieur Nadi Bou Hanna, directeur interministériel du numérique

Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec Monsieur Nadi Bou Hanna, directeur interministériel du numérique au sujet du rôle de la DINUM, un point d’étape de la stratégie TECH.GOUV avec un focus sur SNAP (sac à dos numérique de l’agent public) et AgentConnect ainsi que sur quelques points du « désendettement technique » annoncé dans la feuille de route.


 

M. Nadi Bou Hanna, quel regard portez-vous sur les systèmes d’information et la transformation numérique de l’État à l’issue de la crise ? Quels enseignements en tirez-vous ?

Ma direction s’assure du bon fonctionnement des réseaux de télécommunication de l’État et des outils permettant aux agents de continuer à travailler au bureau et surtout à distance, en télétravail. L’action des directions du numérique a permis, par son agilité, de répondre aux besoins des agents publics, qui sont passés très rapidement en télétravail alors qu’ils le pratiquaient peu jusqu’alors.

Cette situation inédite démontre que les systèmes d’information de l’État, maintenant indispensables à la continuité du travail des agents, peuvent être désormais rapidement adaptés aux situations d’urgence. Notre approche n’est pas simplement défensive, à savoir assurer la continuité de fonctionnement de l’État. Le numérique permet également de créer de nouveaux services adaptés à la situation, comme ça a été le cas avec la plateforme jeveuxaider.gouv.fr permettant de soutenir les associations en recherche de bénévoles, ou encore les tableaux de bord restituant les aides distribuées aux entreprises sur l’ensemble du territoire (aides-entreprises.data.gouv.fr) et plus récemment avec la création de la plateforme volontaires.fonction-publique.gouv.fr lancée par Amélie de Montchalin qui permet de mettre en relation des services publics particulièrement exposés par l’épidémie, et des agents volontaires pour s’engager auprès de leurs équipes.

Le contexte de crise a mis en lumière les forces de l’infrastructure numérique de l’État, mais aussi leurs faiblesses. C’est l’objectif du programme TECH.GOUV d’y pallier.

 

La feuille de route 2019-2022 de la stratégie TECH.GOUV fait apparaître une attention assez marquée aux agents : la mission « environnement de travail numérique de l’agent » est considérée comme remplie, et il est question du système d’identification AgentConnect, sur le modèle de FranceConnect, et d’un « sac à dos numérique ». Comment cela se traduit-il concrètement pour les agents de l’État aujourd’hui et que peut-on attendre d’ici un an ou deux ? A quoi ressemble le « poste de travail du futur » ?

L’accès au numérique dans les meilleures conditions permet d’assurer l’efficacité et la qualité de vie au travail des agents. C’est la raison pour laquelle nous portons une attention particulière à leur poste de travail numérique. La crise démontrant la nécessité d’accès aux outils de travail numériques des agents, le projet SNAP (sac à dos numérique de l’agent public) doit déboucher sur une offre d’outils et de services numériques accessibles à tous les agents publics, à distance et en présentiel. La promesse de SNAP, c’est le travail en communautés professionnelles au sein de l’État, le partage de documents, la co-construction de décisions, la tenue de réunions virtuelles et hybrides en présentiel, audioconférence et visioconférence, l’accès à des bouquets de services thématiques selon les métiers des agents publics.

C’est AgentConnect, qui permettra aux agents publics de se connecter à leurs applications avec un compte unique, pour favoriser cette transversalité au sein de l’État. Démarré en juin 2020 dans le cadre de TECH.GOUV, cet outil favorisera l’instruction partagée de dossier entre systèmes divers, ce qui grâce à une gestion optimisée profitera aussi aux usagers. Lors de la généralisation prévue en 2021 – 2022, nous contribuerons à décloisonner des applications par ministères et à favoriser leur ouverture en interministériel via AgentConnect.

Enfin, c’est une adaptation des méthodes de management au sein du service public pour tirer pleinement profit des possibilités offertes par le numérique. Au-delà des enjeux techniques, c’est certainement ce chantier qui nécessitera patience et persévérance.

 

Vous indiquez dans votre feuille de route vouloir « promouvoir une culture du désendettement technique ». Avec la montée en puissance, en parallèle, des plateformes Cloud au sein de l’État, à quels changements doit-on s’attendre pour les prochains grands chantiers de l’État ?

Le poste de travail de l’agent sera incontestablement un chantier prioritaire pour garantir le bon fonctionnement de l’État, c’est une des priorités de la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Le plan de relance constitue une opportunité de renforcement des efforts de l’Etat en la matière pour accélérer résolument la transformation numérique du service public, et doter les agents publics d’outils numériques efficaces dans l’exercice de leurs missions quotidiennes.

L’objectif est de permettre à tous les agents publics d’accéder à des infrastructures et à des outils numériques efficients permettant le travail sur site autant que le télétravail.

Cette réflexion large sur la position de travail numérique débouchera ainsi sur des propositions d’évolution potentiellement majeures et avec des effets induits sur l’ensemble du SI de l’État.

Un autre grand chantier sera un pas de plus dans le décloisonnement des SI publics entre eux et en lien avec Internet. Le modèle de sécurité par isolation périmétrique au sein du réseau interministériel de l’État n’est indispensable que sur une part réduite des applications de l’État, les autres devant être davantage ouvertes aux collectivités territoriales ou aux entreprises. Investir dans des infrastructures adaptées aux usages externes et garantissant un niveau de sécurité exigeant sera une voie de décloisonnement pour abattre les silos administratifs en plus du développement des API.

Au-delà des sujets d’infrastructures, il s’agira de mieux utiliser les données – la data – pour éclairer les décisions publiques, créer de nouveaux services utiles aux citoyens, mais aussi rendre compte en transparence de l’action publique (opendata). En sensibilisant et en aidant les administrations à s’outiller, l’objectif est de développer une culture de la donnée : collecter, actualiser, qualifier, pour décider en amont d’une politique publique et pour en mesurer l’impact (grâce à la data visualisation, prospective).

Enfin la prise d’avis des citoyens, consommateurs des services publics et acteurs directs des démarches administratives qui leur sont proposées, est essentielle. Elle constitue un point de repère permettant de construire le plan d’action d’une offre dématérialisée de services simple et performante pour tous.

 

La direction interministérielle du numérique (DINUM) accompagne les ministères dans leur transformation numérique, conseille le gouvernement et développe des services et ressources partagées comme le réseau interministériel de l’État, FranceConnect, data.gouv.fr ou api.gouv.fr. Elle pilote, avec l’appui des ministères, le programme TECH.GOUV d’accélération de la transformation numérique du service public.
 

Dans le cadre du plan France Relance, elle pilote la mise en œuvre du volet Transformation numérique de l’État et des territoires, pour le compte du ministère de la Transformation et de la Fonction publiques. La DINUM est un service du Premier ministre, placé sous l’autorité de la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Créée par le décret du 25 octobre 2019, elle a pris la suite de la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC).
 

En savoir plus : https://www.numerique.gouv.fr/

 

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